Rawdah Mohamed, son combat contre l'instrumentalisation du hijab dans le milieu de la mode
août 20 2021 – Maud Oukaltoum

Rawdah Mohamed est la première femme musulmane portant le foulard a obtenir le poste de Rédactrice en Chef dans le prestigieux Magazine de Vogue. C'est dans l'édition Scandinave qu'elle occupe ce poste de haut rang.
Son ascension et sa détermination exemplaires sont un véritable exemple pour toute la communauté musulmane. Ayant grandi dans un camp d'asile en tant que réfugiée en Norvège, la jeune femme de 27 ans a dû faire face à de nombreux actes racistes et islmaphobes, dès son enfance, en raison de ses origines somaliennes et du voile qu'elle décide de porter.
Interrogée par Arab News elle racontera : "Nous sommes venus en Norvège et pendant deux ans nous avons vécu dans un camp d'asile, qui se trouvait dans une très petite ville. C'était très difficile car les gens là-bas étaient extrêmement racistes. Ils ne voulaient pas de réfugiés parce qu'ils pensaient que nous étions dangereux". Elle a ainsi dû être confrontées à de nombreux préjugés.
"Quand ils te font comprendre qu'il y a quelque chose chez toi qui dérange, que tu es le problème et que tu dois changer, ça m'a heurté. Je n'ai pas quitté ma maison, traversé tout ce chemin jusqu'ici pour entendre que ma liberté m'est toujours refusée. Alors j'ai continué à porter le hijab telle une revendication."
Son intérêt pour la mode est directement inspiré de son expérience dans les camps de réfugiées où les femmes assumaient pleinement leur hijab comme un accessoire faisant parti intégrante de leur tenue.
Des accessoires pour magnifier le voile
"Dans le camp de réfugiés du Kenya, seules les adolescentes portaient le hijab. J'adorais copier ce qu'elles portaient et leur façon de parler et marcher. Elles mettaient des accessoires sur leur hijab et c'était très élégant. Je voulais vraiment leur ressembler" a-t-elle déclaré.
Sa carrière de mannequin est quant à elle née un peu par hasard, c'est une personne de son entourage qui l'a mise en contact avec son manager, alors qu'elle poursuivait des études dans le domaine de la santé.
"Je suis allée à un défilé de mode à Oslo fin 2018 où j'ai rencontré mon manager. Il m'a parlé de ce qu'il faisait, à ce moment je n'étais pas certaine de vouloir être mannequin mais je voulais travailler dans la mode". Elle débutera malgré tout une carrière en tant que mannequin, qui lui réservera son lot de surprise face à une industrie de la mode travaillant le hijab en le minimalisant au maximum.
Scandalisée par la vision de la Mode face au voile
"Au début, par la façon dont les gens avaient à appréhender ce qui étaient différent de ce qu'ils avaient l'habitude de voir", a-t-elle témoigné.
"Je me suis retrouvée face à des situations où, ils savaient que je ne souhaitais pas montrer mes cheveux ou quoi que se soit et ils tentaient malgré tout via un rendez-vous préalable de me persuader de laisser apparaitre ma chevelure. Ils me demandaient quelle partie de mon crâne est ce que je pouvais dévoiler, négociant quelques cheveux découverts, pour mieux rentrer dans leurs standards. J'ai trouvé ça scandaleux (...) Faisant partie de la première génération de modèles hijabi, il est un devoir pour nous d'être intransigeante. Si nous ne le faisons par correctement, alors l'industrie de la mode aura le contrôle de faire ce qu'elle veut. Risquant ainsi de faire naître des mannequins dites "hijabi" mais avec un foulard loin des standards musulmans, ne permettant pas aux femmes musulmanes de se reconnaitre."
Cela n'est pas sans rappeler le retrait d'Halima Aden des podiums qui avait alors pointé du doigt l'instrumentalisation de son voile par les marques.
Rawdah Mohamed conclura : "C'est de notre responsabilité d'éduquer l'industrie de la mode sur le fonctionnement de notre communauté, ce que nous considérons et comment nous interprétons le hijab."
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