Maillot de bain couvrant & Burkini sur les plages, que dit vraiment la loi ?
août 09 2021 – Maud Oukaltoum

Le 25 Juillet dernier, 5 femmes en burkini se sont vues interdites de baignade à Muret-plage en Haute Garonne sous couvert de tenue non respectueuse des normes d'hygiène. Des faits révélés par l’une d’entre elles dans une vidéo postée sur le réseau social TikTok et visionnée près de 50, 000 fois.
Interrogé par Ouest-France, le maire de Muret André Mandement (PS) a confirmé les faits en rappelant que cette tenue est interdite dans le règlement intérieur du site et en ajoutant que l'absence de texte laisse aujourd’hui « trop de zones d’ombre et de possibilités d’interprétation ». Néanmoins, il semblait intéressant de rappeler qu'une décision a bien été prise à ce sujet en France. Il faut remonter à 2016 pour retrouver la position prise par la Haute Juridiction. Décryptage.
Le Maillot de bain couvrant accusé de trouble à l'ordre public
En 2016, une trentaine de communes françaises mettent en place des arrêtés "anti-burkinis" reposant sur l’ordre public, l’hygiène, la laïcité et les bonnes moeurs et visant directement les femmes musulmanes. Sur ce premier argument, le Conseil d’Etat, saisi par la Ligue des droits de l’homme (LDH), a suspendu le même été 2016, l'arrêté de Villeneuve-Loubet interdisant le port de tenues « regardées comme manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse lors de la baignade et sur les plages », et visant directement le burkini.
Les trois juges ont alors tranché que "À Villeneuve-Loubet, aucun élément ne permet de retenir que des risques de trouble à l’ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. En l’absence de tels risques, le maire ne pouvait prendre une mesure interdisant l’accès à la plage et la baignade », ont-ils fait valoir.
L’ordonnance du Conseil d’Etat précise également que « l’arrêté litigieux a (…) porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».
Une décision qui avait été saluée par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) indiquant que « les codes vestimentaires, tels que les décrets anti-burkini, affectent de manière disproportionnée les femmes et les filles et sapent leur autonomie en niant leur aptitude à prendre des décisions indépendantes sur leur manière de se vêtir et constituent une discrimination claire à leur encontre». avait alors déclaré le porte-parole du HCDH, Rupert Colville.
Cette décision du Conseil d’État a alors fait jurisprudence pour les trente autres communes françaises ayant pris des arrêtés similaires.
"Si le maire est chargé (…) du maintien de l’ordre dans la commune, il doit concilier l’accomplissement de sa mission avec le respect des libertés garanties par les lois », avaient indiqué le Conseil d’Etat.
En pratique, le Conseil d’Etat choisit donc de restreindre l’étendue du pouvoir de police des maires, qui ne peuvent réguler l’accès à un espace public en raison d’une tenue considérée comme manifestant une appartenance religieuse.
L'interdiction du burkini peut elle alors se faire pour des questions d'hygiène et de sécurité ?
En décembre 2018, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, s'est positionné sur cette question en indiquant que le "refus d’accès opposé aux femmes vêtues d'un burkini et l’adoption d’un règlement intérieur interdisant son port" constituaient "des discriminations fondées sur la religion et le genre". Il enjoignait alors les gestionnaires de la piscine de modifier leur règlement.
"Mise à part la proportion de tissu utilisé, le burkini est constitué de la même matière que les maillots de bain classiques d’une ou de deux pièces. Il s’agit généralement d’un mélange d’élasthanne (lycra) et de polyamide (nylon). Il est conçu pour le milieu aquatique et élaboré afin de se conformer aux normes d’hygiène des piscines." Ce qui le distingue donc du short de bain, également interdit dans de nombreuses piscine pour des questions d'hygiène, ces derniers étant susceptibles d’être portés "comme une tenue de ville et pour effectuer des activités extérieures du fait de son usage".
Concernant la question du maillot de bain couvrant et de la sécurité ?
Là aussi le défenseur des droits n'a relevé aucune incompatibilité de principe ou de risque majeurs au port du burkini ou tout autre maillot de bain couvrant en matière de sécurité.
Pour en lire plus sur ce sujet :
Le débat du maillot de bain couvrant touche-t'il uniquement les femmes musulmanes ? >
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